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Jean-Paul Sartre, son engagement politique

  • Marie Vautard
  • 28 janv. 2018
  • 4 min de lecture

Jean-Paul Sartre... Philosophe, dramaturge et poète, il est considéré comme le modèle-type de l'intellectuel engagé.
Pourtant, celui que l’on surnomme le "Voltaire du XXème siècle" n’a pas de conscience politique avant la guerre : il ne milite pas, ne s'enflamme pour aucune cause. Il sympathise certes avec le Front populaire en 1936 mais se contente d'en regarder les manifestations sans y participer. "Je n’ai jamais voulu faire de politique et n’ai jamais voté." (Carnets de la drôle de guerre, 3 octobre 1939). Son abstentionnisme repose sur la conviction qu’il doit construire sa vie en toute liberté, notion fondamentale de sa pensée. Néanmoins, Sartre peut déjà être décrit comme individualiste, anarchisant, antimilitariste mais surtout, antibourgeois. C’est l’expérience de la guerre et de la vie en communauté qui vont radicalement le transformer.

Durant la drôle de guerre - période correspondant au début de la Seconde Guerre mondiale se situant entre la déclaration de guerre par le Royaume-Uni et la France à l'Allemagne nazie et l'offensive allemande -, Sartre est engagé comme soldat météorologiste. Lorsque le conflit devient bien réel, Sartre est fait prisonnier puis il est transféré dans un camp de détention en Allemagne, le Stalag XII-D de Trèves. Loin de se sentir éprouvé par cette situation, il participe allègrement à la vie communautaire. Il écrit notamment une pièce qu'il met en scène pour ses compagnons de captivité. Cette période en tant que captif marque un tournant dans sa vie : elle lui enseigne la solidarité. Sartre n'est plus l'individualiste des années 30 mais un homme pleinement conscient d'un devoir dans la communauté.

Libéré en mars 1941 pour mauvaise santé grâce à un faux certificat médical, il regagne Paris au début d'avril 1941 où il fonde avec Simone de Beauvoir et quelques amis un groupe de résistance intellectuelle, le mouvement "Socialisme et Liberté", qui compte une cinquantaine de membres dès le mois de juin 1941.

"La guerre m'avait enseigné qu'il fallait s'engager"



Sartre devient un militant engagé. C'est un résistant modeste mais sincère. On lui a fait de nombreux reproches, malgré le fait que l'impression et la distribution de tracts ne soient pas anodines. Lui et ses camarades manquent de se faire arrêter plusieurs fois. C'est d'ailleurs après l'arrestation de deux d'entres eux que le groupe "Socialisme et liberté" se dissout fin 1941. Pour autant, Sartre ne renonce pas à défendre la cause de la résistance. Il écrit en 1943 Les Mouches, une réécriture du mythe d'Electre qui peut être interprétée comme un appel à résister. Lors de la première, Sartre fait la rencontre d'un jeune homme, Albert Camus, avec qui il se lie d'amitié. Vers la fin de la guerre, il sera recruté par ce dernier pour être reporter du journal Combat du réseau résistant du même nom.

Sartre va affirmer son engagement politique en éclairant sa position. Comme beaucoup d'intellectuels de son époque, il soutient la cause de la révolution marxiste sans pour autant donner ses faveurs au Parti communiste français (PCF), obéissant à une URSS qui ne saurait satisfaire son exigence de liberté. De leur côté, les dirigeants du parti se méfient de lui en raison de son existentialisme, de sa renommée internationale acquise après la guerre et de l'influence qu'il pourrait avoir sur les intellectuels communistes. Leur aversion atteint son paroxysme lorsque Sartre fait jouer en 1948 Les mains sales, une pièce qui apparaît comme étant anticommuniste. Sartre continue donc à chercher une troisième voie, refusant à la fois le capitalisme et le stalinisme.
Il crut l'avoir trouvé lorsque David Rousset - écrivain, résistant et homme politique - lui proposa d'adhérer au Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR) qu'il a fondé en 1948 dont la ligne est le socialisme, l'antigaullisme, l'antistalinisme, et l'anticolonialisme.

Malgré le succès de quelques manifestations le RDR n'atteint jamais un effectif suffisant pour devenir un véritable mouvement. Sartre donne sa démission en 1949.
C'est à ce moment que le rapprochement avec les communistes lui semble alors paraître inévitable et est envisagée comme seule solution. La guerre de Corée éclatant le 26 juin 1950 implique pour Sartre que l'on choisisse son camp. A ses motivations s'ajoutent la répression musclée d'une manifestation antimilitariste du PCF ainsi que l'arrestation d'un second maître mécanicien accusé de sabotage dans une action contre la guerre d'Indochine. Sartre voit alors le communisme comme la solution aux problèmes du prolétariat : "Si la classe ouvrière veut se détacher du Parti, elle ne dispose que d'un moyen : tomber en poussière".
Devenu le compagnon de route du Parti Communiste, il prend la présidence de l'Association France-URSS et devient membre du Conseil mondial de la paix. Au sujet du débat sur le système concentrationnaire soviétique, il déclare : "Quelle que soit la nature de la présente société soviétique, l’URSS se trouve grosso modo située, dans l’équilibre des forces, du côté de celles qui luttent contre les formes d’exploitation de nous connues. La décadence du communisme russe ne fait pas que la lutte des classes soit un mythe, que la “libre entreprise” soit possible ou souhaitable, ni en général que la critique marxiste soit caduque". Selon lui, on ne doit pas en faire une arme contre l'URSS : il ne faut pas en conclure qu’il prescrivait d’être indulgent avec le communisme soviétique, mais qu'il considérait qu’en aucun cas on ne pouvait pactiser avec l’adversaire et ainsi abandonner l'engagement révolutionnaire. Cette controverse provoquera la rupture entre Sartre et David Rousset qui mène campagne contre les camps staliniens, et avec Camus pour lequel l’idéologie marxiste ne doit pas prévaloir sur les crimes staliniens.
Cette fidélité va tenir jusqu’en automne 1956, date de l'insurrection de Budapest. Suite aux événements surgis en Hongrie, il signe une pétition d’intellectuels de gauche et de communistes contestataires et donne le 9 novembre une longue interview au journal l’Express, dans laquelle il se détache théâtralement du parti.

Malgré sa rupture avec le PCF, Sartre entretiendra toujours de forts liens avec celui-ci, comme le montre cette déclaration faite en août 1968 suite à l’intervention soviétique à Prague « C’est parce que je respecte profondément l’histoire de l’Union Soviétique, et parce que je ne suis nullement anticommuniste, que je me sens le devoir de condamner sans réserve l’invasion de la Tchécoslovaquie... ».





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