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Le Comité national des écrivains (CNE)


Mais qu'est-ce donc que le Comité national des écrivains? Précédemment nommé Front National des écrivains, il s'agit d'un organe de la Résistance littéraire créé par le Parti communiste français.


En effet, dès 1941 le PCF se charge d’établir le Front National des Écrivains en zone nord, zone occupée. Celui-ci souhaitait à l'origine réunir ses membres autour de la revue La Pensée libre, cependant celle-ci fut jugée trop proche du communisme par de nombreux écrivains qui malgré leur volonté de résister souhaitaient préserver leur autonomie politique, hésitant voire refusant ainsi de collaborer à cette revue. En juillet 1941, Louis Aragon critiqua le ton trop politique de la revue et une nouvelle, exclusivement littéraire, est alors créée par Jacques Decour et Jean Paulhan : Les Lettres françaises. La première réunion du comité a lieu à la fin de l’année 1941 pour établir son premier numéro (ci-contre) dans lequel l'appel suivant est lancé:

" [...] Mais le plan hitlérien d'asservissement de la France est aussi un plan d'assassinat de l'intelligence française. Hitler et ses complices rêve d'assigner à nos Lettres, à notre Science et à nos Arts une place de second plan dans une Europe livrée à la barbarie germanique.

La grandeur française les offusque; il faut la mettre sous le boisseau. Le régime qui nous est imposé, où toute liberté de pensée et d'expression est supprimée, où seuls ont le droit d'écrire ou de parler ceux qui chantent les louanges de l'ennemi, préfigure ce que serait dans "l'Ordre nouveau" le sort de notre Culture.


Écrivains français, nous devons jouer notre rôle dans la lutte historique engagée par le Front national, Les Lettres françaises sont attaquées. Nous les défendrons.

Représentants de toutes les tendances et toutes les confessions : gaullistes, communistes, démocrates, catholiques, protestants, nous nous sommes unis pour constituer le Front national des Écrivains français.


[...] Nous sauverons par nos écrits l'honneur des Lettres françaises.[...]"

Le mot "Front" est remplacé par le mot "Comité" dans le but de le distancer du PCF, même si ce n'est qu'en apparence. Au fil du temps, le CNE s’élargit et rassemble de nombreux auteurs, comme Paul Eluard, Paul Valéry ou Georges Duhamel. Sartre, d'abord refusé, y entrera en 1943.


C'est en juin 1943 qu'Aragon, chargé de l’organisation clandestine des intellectuels parallèlement à son activité au sein même des Lettres françaises, réussit à créer le CNE de zone sud. Contrairement à la zone nord, les comités d’intellectuels y sont plus autonomes : en effet, des mouvements de Résistance y ont déjà été constitués et la dispersion des écrivains rend les communications difficiles. Son intervention permet donc davantage une centralisation et une meilleure organisation des différents comités locaux, reliés entre eux par un réseau d'étoiles à cinq branches - d'où le nom de la revue du CNE de zone sud, Les Etoiles. En septembre 1943, les membres du CNE réunissent symboliquement les deux zones grâce aux contacts établis par la circulation d'Aragon du sud vers le nord. Des intellectuels de la zone sud ont l'opportunité d'offrir leur participation aux Lettres françaises.


Mais pendant cette période d'Occupation, la principale préoccupation du CNE est de définir des règles éthiques à respecter en ce qui concerne la presse ainsi que l'épuration des milieux artistiques. Le CNE souhaite ainsi s'imposer comme une nouvelle instance dans le champ littéraire et le tribunal des lettres réglementant la profession.

Ce processus, valable à partir de la Libération, consiste tout d'abord en la rédaction d'une liste noire : celle-ci discrédite les auteurs "embochés" et les interdit de publier. De plus, il instaure des programmes de rénovation des règles de fonctionnement du milieu - par exemple la transparence de la presse.


Cette fameuse liste fut à l'origine de nombreux désaccords et tensions au sein du comité qui témoignent notamment de la lutte d'influence entre zones nord et sud, anciens et nouveaux arrivés. On finit par adopter un système de deux listes, selon le degré de culpabilité des écrivains, mais celles-ci ne suffisent pas à éteindre la polémique, les avis des membres du Comité étant trop partagés. En parallèle a lieu la Commission d'épuration de la librairie et de l'édition mais injustement l’épuration touche plus durement les écrivains que les institutions de l’édition. Ainsi qu'il se radicalise, le CNE perd ses membres les moins orthodoxes et les plus opposés à l'épuration.

En 1946, le départ de Jean Paulhan - fondateur rappelons-le des Lettres françaises - ébranle le CNE et affaiblit sa légitimité morale.



En février 1956, les révélations de Khrouchtchev faites au XXème congrès du Parti communiste d'Union soviétique sur les crimes de Staline provoquent un immense bouleversement dans le camp communiste. Des révoltes populaires finissent par éclater en Pologne et en Hongrie. A Budapest, elles sont réprimées dans le sang et ce avec le soutien du PCF et d'Aragon. Alors que la déstalinisation est en marche, le PCF refuse tout changement de position : la majeure partie des écrivains qui jusque-là étaient restés affiliés au CNE le quittent alors définitivement.

En 1953, Aragon accède à la tête du comité en même temps qu'il devient membre du Comité central du PCF.


Le Comité National des Écrivains, comité de brillants intellectuels luttant pour la Résistance, perd alors de son réel intérêt littéraire et devient alors un simple instrument du Parti communiste français.


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