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Aragon et sa plume polyvalente



« Ma vie. Tout le monde croit la connaître. Ça me donne parfois des fous rires. »

(Aragon, Je n'ai jamais appris à écrire ou Les incipit, 1969)



Ah, cher Aragon, nous ne prétendons pas la connaître ta vie. Mais nous avons ta propre autobiographie, Le roman inachevé, à portée de mains et tout un tas de documents sur internet à ton propos et nous comptons bien nous en servir!


J'ai l'honneur aujourd'hui de vous écrire sur un écrivain inégalable en terme d'engagement.

Pourquoi inégalable?

Et bien, d'abord, Aragon sera le seul de son siècle à s'engager autant et aussi longtemps. Entré au Parti Communiste Français en 1927 il y restera fidèle pendant plus de 50 ans. Mais ce n'est pas tout : son engagement ira jusqu'à mettre une des plus belles oeuvre littéraire de son siècle au service de cette cause. Une cause dont il n'a vu que la grandeur qu'était de lutter contre le fascisme et pour laquelle il entrera dans la résistance, fermant les yeux sur tous les crimes ayant pu être commis sous Staline.

"Chaque matin, je me repose la question de mon choix politique et, je réadhère au PCF."


Oui, son engagement tiendra même avec un PCF sous Georges Marchais qui soutenait Brejnev alors à la tête de l'URSS, niant la réalité d'un parti communiste très peu démocratique.



Mais ne nous égarons pas, nous verrons cela plus bas et parlons de sa vie plus chronologiquement. Né en 1897, Aragon montre dès son plus jeune âge un talent pour l'écriture. Il fait des études de médecine et c'est durant celles-ci, en 1916 qu'il rencontre André Breton, futur chef de file du surréalisme, à qui il se liera d'une forte amitié. Deux ans plus tard, il publie ses premiers poèmes et part en tant que médecin auxiliaire au front des Ardennes, participant donc activement à la Première Guerre mondiale. Guerre qui impactera beaucoup non seulement ses écrits mais aussi le reste de sa vie.


En effet, cette guerre sera l'une des raisons principales pour lesquelles il choisira de s'engager au Parti Communiste Français (PCF). Car, non, son adhésion ne coule pas de source : il avait longtemps critiqué le PCF avant d'y entrer. Mais, après avoir vécu les tueries de la Première Guerre Mondiale, il voulait trouver une solution. Et il jugeait comme beaucoup que le PCF était le parti contre la guerre. "vous êtes le seul parti contre la guerre" dira-t-il, justifiant son engagement.

Mais, autant que lui n'était pas convaincu de ce qui deviendra si rapidement sa raison d'être, le parti non plus n'était pas ravi de l'accueillir. Ce n'était pas personnel mais le PCF se méfiait son groupe entier. Il ne faut pas oublier que les communistes n'appréciaient pas les surréalistes dont l'art, comme leur nom l'indique, s'éloignait trop de la réalité pour eux. Mais les surréalistes voulaient s'engager et persévérèrent. Comme beaucoup à cette époque, ils étaient prêts à tout pour s'assurer que cette première guerre mondiale soit la "der des ders".

Et, rappelons qu'il savait en faire des choses notre Louis Aragon, poète, romancier, journaliste et essayiste, et lui et sa plume polyvalente parvinrent à l'aide d'articles et d'écrits dans de petits journaux à se créer une place au sein du PCF avant d'être très vite propulsé parmi les plus importants intellectuels du parti grâce à son recueil engagé : Hourra l'oural.

"Notre seul désir est de travailler de la façon la plus efficace suivant les directives du parti à la discipline et au contrôle duquel nous nous engageons à soumettre notre activité littéraire."


Cette phrase d'Aragon qui résume son fort engagement signera définitivement sa rupture avec Breton et les surréalistes en 1922. Les surréalistes n'étaient absolument pas d'accord : l'écrivain doit pour eux, et ce en toute circonstance, être libre de ses écrits. Ses écrits relevaient alors du réalisme socialiste, un mouvement allant à l'encontre du surréalisme.


A côté, il se consacre à l'écriture de romans dans un style plus classique qu'il oriente vers la critique sociale : les Cloches de Bâle (1934), les Beaux Quartiers (1936), les Voyageurs de l'Impériale (1942).

Il devient un important journaliste de la revue communiste l'Humanité.

En 1939, il épouse Elsa Triolet, sa seconde source d'inspiration et de motivation principale. Il lui écrira un recueil de poème entier : Les yeux d'Elsa.

On dit souvent qu'elle a eu un très grand rôle dans son engagement puisque, d'origine russe, elle lui amène un idéal soviétique. Cependant, nous savons qu'Elsa n'était en réalité pas aussi enthousiaste que lui sur ce parti et elle est la première à avoir des doutes sur le communisme.


Au début de la Seconde Guerre mondiale, l'auteur retrouve pendant deux années la médecine militaire avant de participer activement à la Résistance en créant avec Elsa Triolet le Comité National des Ecrivains pour la Zone Sud et le journal "La Drôme en Armes". A ce moment là, nombreux de ses amis quittent le PCF, ne comprenant pas que Staline puisse s'allier avec Hitler. Aragon, lui, pense que c'est une stratégie de la part du petit père des peuples, et que cela agirait comme un tremplin pour le parti.

Il y avait toujours en lui cette contradiction entre la réalité vécue d'un communisme loin d'être démocratique et l'espoir de voir ce parti changer. Cela dit, quand Staline envoie un télégramme au PCF, demandant d'arrêter l'antifascisme, notre écrivain décide courageusement de ne pas obtempérer.

Devenu emblème de la Résistance de par ses articles et ses poèmes, Charles de Gaulle lui adressera la première fois qu'il le verra une phrase qui a marqué :

"Ah! Vous voilà, vous!"


Après cette guerre, il partage son temps entre militantisme, activités littéraires, président alors des Editeurs français réunis, une maison d'édition proche des communistes.

A la demande de Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, Louis Aragon est élu au Comité central du Parti et participe à la défense de l'Union soviétique. C'est un artiste immense, pratiquement au même moment, il devient poète national, bien que cela ne plaise pas à son parti.

Il ouvre son journal Les Lettres Françaises et ce n'est qu'après la mort de Staline en 1953, qu'il commence à se rendre compte du totalitarisme régnant et URSS.

Plus tard, alors que Georges Marchais qui jugeait Aragon politiquement incontrôlable décidait de supprimer sa revue, une phrase marqua. "j'ai gâché ma vie" écrit-il dans le dernier éditorial, se référant à la trahison du parti à qui il s'était donné toute sa vie.

La suppression de ce journal fut le début de la séparation entre les intellectuels et le PCF, qui explique entre autres son état actuel. Mais Aragon reste membre du comité central du PCF, fidèle jusqu'à sa mort en 1982.


Si vous voulez en savoir plus sur ce sujet, je vous mets le lien d'un entretien avec Aragon où il répond aux inquiétudes sur ce qui se passe en 1979 pour le PCF, sur la fin des lettres françaises ou encore sur son avis sur la possibilité d'une réelle démocratie au sein du Parti Communiste Français. Sa réponse nous prouve bel et bien ce que nous disions plus tôt sur l'espoir qu'il porte en ce Parti. Il dit qu'il le croit possible car "tout est possible qui est pour le bien mais que tout ne se fait pas du jour au lendemain". Allez jeter un oeil!



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